On se réveille dans l'obscurité sans plus rien savoir. Où est-on, que se passe-t-il? L'espace d'un instant, on a tout oublié. On ignore si l'on est enfant ou adulte, homme ou femme, coupable ou innocent. Ces ténèbres sont-elles celles de la nuit ou d'un cachot?
On sait seulement ceci, avec d'autant plus d'acuité que c'est le seul bagage : on est vivant.
En quoi consiste la vie en cette fraction de seconde où l'on a le rare privilège de ne pas avoir d'identité? En ceci : On a peur.
Or il n'es pas de liberté plus grande que cette courte amnésie de l'éveil.
[...]
En vérité, on passe son temps à lutter contre la terreur du vivant. On s'invente des définitions pour y échapper : Je m'appelle machin, je bosse chez chose, mon métier consiste à faire ci et ça.
Sous-jacente, l'angoisse poursuit son travail de sape. On ne peut complètement bailloner son discours. Tu crois que tu t'appelles machin, que ton métier consiste à faire ci et ça mais,au réveil, rien de cela n'existait. C'est peut-etre que cela n'existe pas.