[...] moi qui brûle de savoir qui tu étais, qui tu es, je te nommerai Hirondelle.
C'est un nom qui te sied. Aucune autre jeune fille jamais ne s'est appelée Hirondelle. C'est un joli nom pour une vivante. Nul n'est plus vivant que l'hirondelle, toujours aux aguets quand elle n'est pas en migration. Il ne faut pas te confondre avec les grossiers martinets, pas plus que t'apparenter aux vulgaires humains de ton entourage. Toi, tu étais l'hirondelle, ton mode d'existence était le qui-vive, ça me plaisait, et j'avoue avoir voulu que tu ne te rassures pas, j'aimais l'idée de ta peur, j'aimais que tu sois ce frémissement, que ton oeil soit craintif et cependant courageux, je t'aimais inquiète, j'y suis peut-être allé un peu fort pour te garder dans cet effroi que j'espérais éternel, Hirondelle, ne pourrais-tu revivre, toi que j'ai tuée un jour de printemps, saison que, d'après Aristote, tu ne fais pas, on peut être le plus admirable cerveau grec et se tromper, à plus forte raison le plus décervelé des tueurs à gages et commetre une erreur, Hirondelle, pardon, le coeur est une pompe, ma pompe s'est emballée, ne pourrais-tu pas pomper ta vie dans ce qui bat trop fort, trop fort, j'en ai mal, ne pourrais-tu renaitre de ma douleur, non, je le sais, il n'y a pas une deuxième possibilité, si Orphée n'a pas réussit, ce n'est pas moi, ton tueur, qui y parviendrai, petite Eurydice de plumes, mon seul moyen de te réssuciter est ce nom que je te donne et que tu habite à merveille, Hirondelle, la jamais partie, qui revient me hanter a tire-d'aile.